Chapitre 4

 

Une lumière saumonée nimbait la façade du Laurie Raphaël comme si le soleil, qui avait brillé juste au-dessus de la terrasse à midi, avait oublié un peu de sa chaleur. Une chaleur douce, caressante qui coulait sur le drapé des rideaux blanc cassé et glissait jusqu’au sol, s’insinuait entre les lattes de bois verni et taquinait les souliers noirs de Grégoire, qui se préparait à profiter de sa pause de l’après-midi. Avait-il bien aperçu Maxime ? Que faisait-il rue Dalhousie à cette heure ? Il sortit, se couvrant de sa veste de cuir, héla l’adolescent qui courut vers lui. Il lui souriait, mais Grégoire pouvait lire le désarroi sur son visage.

— Qu’est-ce que tu fabriques ici ?

— Rien, mentit Maxime. J’avais juste envie de voir où tu travailles.

— Tu devrais être à l’école.

— Non, on avait une sortie de classe. Au Musée de la civilisation. C’est à côté d’ici. J’ai expliqué à ma titulaire que j’allais rejoindre mon cousin au restaurant. Un des profs dit que c’est un des meilleurs restaurants de la ville.

— Je ne travaillerais pas ici si ce n’était pas le top du top.

— J’aimerais ça voir les cuisines.

Grégoire fit la moue. Il devrait patienter pour satisfaire sa curiosité. Ses collègues attendaient deux groupes dans la soirée et ces réceptions exigeaient beaucoup de préparation.

— On les dérangerait. Un autre jour, promis. Je suis certain que Daniel te le permettra.

— C’est qui ?

— Le grand chef. C’est lui qui crée les recettes.

— Il ne doit pas faire des hamburgers et des pizzas…

Grégoire sourit ; Daniel Vézina en préparait sûrement pour ses enfants à la maison.

— As-tu faim ? On pourrait manger une bouchée chez Victor.

— Cool ! s’écria Maxime. C’est juste la bonne heure. Même si je prends des frites, j’aurai encore faim pour souper.

— Tu as de plus en plus d’appétit, hein ?

Il y eut un silence.

— C’est à cause de Pascal. Je partage souvent mon lunch avec lui. Mais là, c’est fini. C’était la dernière fois, aujourd’hui.

— Pourquoi aujourd’hui ?

Maxime avait donné la moitié de son sandwich à Pascal qui s’était fait voler son lunch et son argent de poche. Comme d’habitude.

— Ton copain est toujours aussi populaire…

— Ce n’est pas mon copain, protesta Maxime. J’ai trop de problèmes à cause de lui. C’est un peu pour ça que je voulais tes conseils.

— Shoote, Max. Je suis là pour ça.

Pendant que Grégoire s’étonnait d’avoir prononcé cette phrase, Maxime relatait les événements de la semaine. Des élèves du premier secondaire avaient repoussé Pascal quand il s’était approché d’eux pour jouer au ballon.

— Ils auraient pu le laisser s’amuser, pour une fois… Déjà que personne ne lui parle… Ils font semblant qu’il est transparent et ils disent n’importe quoi sur lui, comme s’il n’était pas là.

— Ils doivent le traiter de fif, de tapette, hein ? Maxime baissa les yeux. Grégoire lui prit le menton, l’obligea à relever la tête.

— J’ai raison ?

Maxime soupira, scruta la rue Saint-Paul.

— Est-ce qu’on prend l’autobus ? J’espère que non, parce qu’il n’en passe pas souvent par ici…

— Tu disais que Pascal faisait rire de lui à l’école. Des élèves l’avaient obligé à reculer jusqu’au fond de la cour, loin des surveillants, et avaient tenté de lui faire avaler une mouche, mais Pascal s’était mis à vomir et ses tortionnaires s’étaient dispersés aussitôt.

— Je les ai entendus. Betty Désilets répétait que Pascal le Crapaud aimait les insectes. Les autres riaient.

— Pas toi.

Maxime les avait vus entraîner Pascal sans réagir. Devait-il prévenir un professeur ou ignorer l’incident ? Quand Pascal avait eu des nausées, il s’était décidé à alerter un enseignant.

— J’aurais jamais dû m’en mêler, se plaignit Maxime. Benoit Fréchette m’a traité de stool.

— Fais comme si tu ne l’entendais pas.

— C’est facile à dire…

— Penses-tu qu’on ne m’a pas écœuré quand j’allais à l’école ?

Grégoire aurait pu nommer tous ses tortionnaires, préciser leur âge et leur adresse. Il se rappelait encore le nom de ces chers camarades de classe qui ajoutaient chaque jour une nouvelle insulte à leur liste déjà fort longue.

— Benoit a prévenu ses amis que j’étais un stool. Et un peureux. Ils se sont approchés de moi, et Mathieu, qui est dans la gang de Benoit, m’a arraché la montre que Biscuit m’a offerte à ma fête. Je n’ai pas réagi. Il paraît qu’il a déjà blessé quelqu’un avec un couteau. J’a… j’avais trop peur.

— Ce n’est pas parce que tu es peureux. Qu’est-ce que tu aurais pu faire contre Benoit et sa gang ? Ils sont plus grands, plus vieux que toi.

— Je ne peux pas avouer à Maud qu’ils m’ont agressé. Et je ne veux pas que tu le lui apprennes non plus. Jure-le !

— Pourquoi m’en parles-tu, alors ?

Maxime voulait emprunter à Grégoire la somme nécessaire pour acheter une montre identique et lui remettre l’argent chaque semaine pendant six mois.

— Avec la livraison des journaux, je devrais être correct.

— Et si on te vole cette nouvelle montre ? Tu devrais dire à Biscuit que tu l’as perdue.

— Ça lui ferait de la peine.

— Elle aimerait mieux que tu sois franc avec elle…

Maxime s’y refusait. Maud Graham débarquerait sûrement à l’école pour confronter les coupables. Quelle serait sa vie, ensuite ?

— Ils sauront qu’elle est dans la police. Et je ne veux pas être un stool.

Grégoire perçut le désespoir dans la voix changeante de son ami. Savait-il que Bruno Desrosiers était un délateur ? Refusait-il de ressembler à un père qu’il aimait pourtant ? Il devait être malaisé d’avoir de l’affection pour une personne dont on avait honte… Pour Grégoire, tout était plus clair : son père était un salaud qui l’avait abandonné avec sa mère, à sa mère quand il avait sept ans. Et l’oncle Bob avait pris sa place auprès de sa femme, puis il avait préféré le lit de Grégoire. Combien de fois avait-il abusé de lui ? Grégoire le haïssait tellement qu’il rêvait encore de le tuer.

Il se rappelait l’odeur du Brut de Fabergé dont s’aspergeait Bob, et il avait toujours envie, quand il entrait dans une pharmacie, de fracasser la bouteille, de ramasser les morceaux de verre, de courir chez sa mère pour lui taillader le visage et couper ensuite la queue de son amant. Sa mère aurait dû le protéger ; pourquoi ne l’aimait-elle pas ? Et pourquoi la mère de Maxime vivait-elle en Ontario au lieu de rester près de son enfant ?

— Tu n’es pas un stool, Maxime. Keep cool. Écoute, je vais t’acheter ta montre. Puis j’irai te chercher à l’école, la semaine prochaine. J’aimerais ça jaser avec le fameux Benoit.

— Non ! protesta Maxime. Non !

— Ton Benoit recommencera si on ne fait rien.

Maxime se mordit les lèvres. Il n’avait plus faim, plus soif, qu’une envie de tout oublier, Benoit, Betty, Mathieu, Jocelyn et les autres. Et Pascal. C’était parce qu’il avait sympathisé avec lui qu’il avait des ennuis. Si Max croyait que son ailier gauche était un bébé qui racontait tout aux professeurs, il le congédierait. Plus de matchs de hockey. Plus de soccer. Car Max et ses amis jouaient au soccer, l’été. Et Maxime aurait bien voulu faire aussi partie de cette équipe. Le mieux serait que Pascal change d’école. Qu’il s’inscrive dans un établissement où il ne connaissait personne. Il lui avait dit la veille qu’il avait tout avoué à sa mère et qu’elle avait rendez-vous avec Judith Pagé et le directeur, vendredi soir.

— Attends, Grégoire, dit Maxime. Peut-être que ça va changer. Pour la montre, j’accepte ta proposition. Et je la laisserai à la maison. Benoit et sa gang ne me la voleront pas. De toute manière, je n’en ai pas besoin à l’école, il y a des horloges partout. Les aiguilles n’avancent pas vite durant le cours de français… Toi, étais-tu bon en rédaction ?

— J’étais ordinaire, murmura Grégoire qui savait qu’il était tout sauf ordinaire.

— Comme moi…

Non, ils ne se ressemblaient pas autant que Maxime l’imaginait. Maxime n’était pas très méfiant. À preuve, il espérait que l’intervention de la mère de Pascal modifierait le comportement des agresseurs… Il déchanterait sûrement.

— C’est plaisant d’aller chez Victor.

— On doit d’abord trouver un taxi.

Quand ils furent attablés devant une assiette de frites, Grégoire revint à la charge. Il voulait rencontrer Benoit Fréchette.

— Non.

— Bon, je me contenterai de venir te chercher après l’école demain. Peut-être que ce sera suffisant. Avec mon look… Ils vont penser que je vends de la dope. Tu dis qu’ils consomment ?

— Oui. Benoit en vend pour payer sa dope. Thibault et Jocelyn lui en achètent. Et Betty. Il paraît qu’elle paye ses joints à Benoit et qu’ensuite elle les fume avec lui. C’est débile. Moi, avant que je paye pour quelqu’un…

— Tu as raison, ça ne donne rien, affirma Grégoire. La personne pour qui tu dépenses ton fric ne t’aime pas plus. Elle te méprise. Crois-en mon expérience. Je n’ai pas tellement d’admiration pour mes clients.

— Mais Pierre-Yves, c’est…

— C’est différent, le coupa Grégoire.

Il ne voulait pas parler du lien qui l’unissait à Pierre-Yves, étant incapable de le définir.

— C’est sûr qu’il est correct avec toi, fit aussitôt Maxime. Tu aurais pu continuer à travailler dans son restaurant s’il n’avait pas été obligé de le vendre. Est-ce qu’il est encore découragé ?

Oui, mais Pierre-Yves ne se plaignait pas, il considérait qu’il avait de la chance d’avoir pu trouver si vite une place au Laurie Raphaël. Et de l’emmener avec lui. Un jour, il aurait assez d’argent pour ouvrir un nouveau resto. Cette fois, il choisirait un associé plus honnête.

— Tu pourrais être son partenaire ! Vous pourriez m’engager comme serveur.

— Je veux voir avant si j’aime ça pour vrai. Un restaurant c’est toute une business ! J’ai peut-être trouvé un appartement rue Aragon. Je veux m’installer dans le coin avant que ça devienne trop à la mode. Avec les nouvelles constructions sur Charest, le quartier prendra de la valeur. Dans cinq ans, je serai dans le quartier le plus hot.

— Dans cinq ans, j’aurai presque dix-huit ans. Je pourrai avoir un appartement. Ça va être cool. On sortira ensemble.

Un rayon de soleil cuivra la tête de Maxime alors qu’il souriait à Grégoire et celui-ci dut résister à l’envie de le serrer contre lui. On ne lui avait jamais témoigné une telle confiance, sauf Fred[2], peut-être. Mais il y avait longtemps. Il ne permettrait pas qu’un Benoit, un Jocelyn ou une Betty abîment son petit « cousin ».

 

*    *    *

 

En rentrant chez lui, Armand Marsolais eut l’impression que les arbres de sa rue avaient perdu toutes leurs feuilles durant la journée. Les branches dénudées se dressaient, accusatrices, vers ce ciel qui manquait de clémence, ce ciel qui s’assombrissait de plus en plus tôt, qui les repoussait trop vite dans l’obscurité. L’enquêteur foula l’épais tapis ambré, se rappelant comme il aimait entasser les feuilles pour s’y amuser avec ses copains. Est-ce que le protégé de Maud Graham répétait ce jeu, aujourd’hui ? Il devait manger ses biscuits au chocolat seul devant la télé : la détective ne rentrait jamais avant le souper depuis la mort de Mario Breton. Et cela, bien que Rouaix soit revenu de vacances. Le manque d’indices constituait en soi un indice, soutenait-elle la veille. Est-ce que Rouaix et lui avaient noté à quel point l’appartement de Breton était impersonnel ? Sans couleur, sans odeur. Comme si la victime ne mangeait jamais chez elle.

Rouaix avait eu un demi-sourire.

— Ah ! On y est. Il me semblait bien qu’on aurait droit à un petit discours sur les odeurs.

— Tu sais que mes théories sont bonnes, Rouaix, tu peux dire ce que tu veux.

André Rouaix avait expliqué à Marsolais que Maud Graham se prenait pour un berger allemand ; elle devinait des odeurs que les humains ne percevaient pas.

— Ce ne sont pas des fantasmes olfactifs, avait-elle protesté. Dans ce cas-ci, c’est l’inverse de ce qui se produit habituellement ; pas un arôme, pas un parfum. Rien qui embaume, rien qui pue. L’odeur du néant. Je parierais presque que la cafetière n’a jamais servi. Pas de traces de gras dans la cuisine, de cuisson. Le four est à peine sali. Il doit n’avoir réchauffé que des pizzas et des croissants.

— Le congélateur est bien garni en plats surgelés. Breton utilisait son micro-ondes.

— Il n’y a pas assez d’odeurs, avait répété Graham. Sauf au sous-sol. Ça sent l’humidité et la colle de modèles réduits même s’il n’y en avait que deux quand on a fouillé chez lui. On croirait qu’il était de passage rue Louis-Francœur. C’est pourtant son adresse depuis deux ans. Il n’y a pas une photo dans ses tiroirs, pas un dessin sur les murs. Les chambres d’hôtel sont plus chaleureuses. Comment peut-on habiter dans un endroit aussi aseptisé ?

— Il avait peut-être peur des microbes ? avait suggéré Marsolais. Howard Hugues en était obsédé.

— Renseigne-toi là-dessus. Pour moi, avoir aussi peu d’éléments sur une victime est suspect et c’est dans cette voie qu’il faudrait effectuer les recherches.

Elle n’avait probablement pas tort. Armand Marsolais devinait une grande clairvoyance en Maud Graham et il s’en désolait. Il devrait se montrer très prudent pour se débarrasser de Judith, il était si pressé par le temps. Et si peu sûr des possibilités qui s’offraient à lui… La voix de Nadine, quand il l’avait appelée ce midi, n’était pas aussi chaleureuse qu’à l’accoutumée, plus coupante, moins sensuelle. Il l’avait assurée qu’il l’aimait comme un fou et qu’il ferait précisément une folie pour elle, mais Nadine avait répondu qu’ils ne pouvaient plus continuer ainsi. Il avait juré qu’il serait libre à la Saint-Valentin. S’il n’avait pas abordé plus tôt le sujet du divorce avec sa femme, c’est qu’elle luttait contre un cancer. Mais il le ferait bientôt.

— Tu promettais que tu serais libre pour Noël. Et maintenant, c’est en février. Ensuite, ce sera à Pâques ? Ta femme peut mettre des mois à guérir. Et si elle rechute ? On ne sera pas plus avancés. J’ai l’air égoïste, mais c’est moi qui serai toute seule aux fêtes.

Il avait affirmé que l’état de santé de Judith s’améliorait, qu’il tiendrait ses promesses et avait ajouté qu’il avait une belle surprise pour les vacances d’hiver. Ils passeraient du bon temps ensemble avant de faire une croisière autour du monde.

Il observa les arbres : dès que les feuilles auraient repoussé, il partirait avec Nadine à l’étranger, le plus loin possible de cette maison où l’attendait Judith. Il avait noté le frémissement du rideau de la cuisine : sa femme le guettait tandis qu’elle préparait les légumes qui accompagnaient leur repas. Exceptionnellement, il n’aurait pas à feindre l’intérêt pour les propos de Judith, ce soir-là : il voulait qu’elle l’entretienne de ses élèves, qu’elle lui raconte des anecdotes, qu’elle se plaigne des insolents ou des sots.

En l’écoutant décrire ses élèves, Armand Marsolais songeait qu’il ne serait pas le seul à se réjouir de la disparition de Judith. Elle devait les exaspérer avec ses manies, ses tics, sa façon de retrousser le nez pour exprimer son mépris.

— J’en ai une qui ignore qui est Victor Hugo, même si elle a vu le spectacle Notre-Dame de Paris ! C’est un comble ! On s’approprie un chef-d’œuvre sans que les jeunes apprennent que Quasimodo et Esméralda ne sont pas nés de la plume de ces… ces pilleurs.

— Tu as corrigé cette lacune. Peut-être que cette fille aura envie de lire Victor Hugo.

— J’en doute. Véronique est plus intéressée par les garçons.

— Elle est en premier secondaire !

— Elles commencent de plus en plus tôt à se pomponner pour attirer leur attention.

— Et les garçons ? Comment réagissent-ils ?

Judith avait grimacé. Que pouvaient-ils faire ? Les gamines se pâmaient sur les élèves des deuxième et troisième secondaires.

— Les garçons de leur âge leur semblent trop bébés.

— Le petit Maxime a l’air jeune.

— Maxime ? Lequel ? J’en ai trois dans la classe.

— Celui qu’on a rencontré au resto.

— Il a douze ans.

— Il doit se faire agacer par les élèves…

— Non, pas trop. Ce n’est pas comme son ami Pascal. Sa mère est venue à l’école pour se plaindre de mauvais traitements.

— C’est vrai ?

Judith fit la moue : elle devinait l’impopularité de Pascal, mais elle n’avait été témoin d’aucun geste de violence envers lui.

— Je sais bien que des élèves du troisième secondaire l’agacent, mais je ne les ai jamais pris sur le fait. Ils sont discrets… Qu’est-ce que je peux y faire ? Pascal Dumont énerve tout le monde. Il veut toujours avoir raison.

— Raison ?

— Il m’a corrigée cette semaine quand j’ai parlé des chevaliers de la Table ronde.

Judith pinça les lèvres en revivant la scène : elle avait dit que les chevaliers se réunissaient en Angleterre et Pascal l’avait reprise. « C’était en Bretagne, madame. » Il y avait eu des rires étouffés dans la classe. Se moquait-on d’elle ou de Pascal ?

— Quand il marche, poursuivait Judith, on jurerait qu’il pose ses pieds sur des œufs, qu’il a peur d’avancer. D’ailleurs, il est le dernier en gymnastique. Ses parents devraient l’inciter à faire du sport. Pour qu’il soit plus agile. Ça lui donnerait confiance en lui.

— Et ces élèves qui l’agacent, tu les connais ?

— Betty et… Bertrand… non, Benoit. Le petit couple de la rentrée. J’en ai discuté avec leur titulaire, mais elle n’est pas plus à l’aise que moi pour agir. La mère de Pascal a beau soutenir que Betty se moque de son fils, il n’y a pas de flagrant délit.

— Vous pouvez agir quand même…

— C’est délicat. Peux-tu accuser quelqu’un et l’arrêter sans preuves ? Mme Dumont connaît Betty, car elles ont déjà été voisines. Elle prétend que Betty est laissée à elle-même.

— Mme Dumont est une mère très observatrice.

— Mère poule, l’interrompit Judith. Je comprends qu’elle s’inquiète pour son fils, mais les élèves détectent vite celui qui est trop couvé par sa mère, celui qui ne saura pas se défendre…

— Mme Dumont a raison de chercher à aider son fils, non ? Ce n’est pas le couver, mais le protéger, faire son devoir de mère.

Judith eut un long soupir. Elle avait écouté Mme Dumont, lui avait promis d’essayer de surveiller les élèves qui s’en prenaient à Pascal et de signaler tout incident au directeur adjoint.

— Je ne suis pas une mouche, je n’ai pas une vue à trois cent soixante degrés. Et si je protège trop ouvertement Pascal, on l’accusera d’être mon chouchou. J’ai suggéré que Pascal ait un entretien avec le psychologue du collège, mais Mme Dumont refuse : son fils n’est pas responsable de ses ennuis, il n’a rien fait de mal. « Ce sont ses agresseurs qui devraient être suivis par un professionnel. Ce sont eux qui ont des troubles de comportement. »

Mme Dumont n’avait pas tort, songea Armand Marsolais. Et elle semblait très attentive à l’entourage de son enfant. Réussirait-il à parler à Pascal à son insu ? Devait-il renoncer à son projet ou pouvait-il parier sur un autre élève ?

— Pascal est le seul à être rejeté ?

— Oui, pour l’instant. Ça me suffit amplement.

— J’imagine…

Armand quitta la table, se glissa derrière son épouse pour lui masser le cou, les épaules. Il voulait en apprendre davantage sur ce Pascal Dumont, cette Betty et ce Benoit.

— Pourquoi Betty s’acharne-t-elle sur le petit Pascal ? S’ils ont été voisins, elle doit bien se douter que Mme Dumont va se plaindre à ses parents.

— Je ne sais pas. Elle ferait n’importe quoi pour plaire à Benoit. Anne Gendron, sa titulaire, croit qu’elle est très solitaire. Enfant unique, élevée avec des adultes qui la traitent comme une adulte. Elle s’ennuie. C’est ce qui arrive quand on gâte trop un enfant : s’il a tout ce qu’il veut, il n’a plus rien à désirer. Sauf ce Benoit qui est très convoité par toutes les filles. Champion au basket, beau blond, elles trouvent qu’il ressemble à Brad Pitt. Jusqu’aux gamines du premier secondaire qui rêvent à lui…

— Est-il si mignon ?

Judith prit la main gauche de son mari, la baisa avant de la poser sur sa poitrine ; si on oubliait l’école pour un moment ? Les massages d’Armand étaient divins. Au début de leur mariage, elle se sentait coupable de se réjouir de l’avoir rencontré, de devoir son bonheur à des circonstances dramatiques, mais elle appréciait tant ses caresses… Encore aujourd’hui, après toutes ces années, Armand savait comment lui être agréable, comment l’aider à se détendre. Il lui avait semblé moins préoccupé, ce soir, plus attentif à ses propos : il devait s’habituer à ses nouveaux collègues. Peut-être y avait-il eu des progrès dans son enquête ? Elle avait oublié de s’en informer. Allait-il se décider à l’embrasser ? Elle aimait bien cette façon qu’il avait de se laisser désirer…

Aurait-elle dû lui dire qu’elle avait cessé de prendre la pilule ? Déménager à Québec lui avait insufflé le désir de changer de vie. Elle avait hésité à s’en ouvrir à son mari, elle préférait lui faire la surprise. Il serait si heureux en apprenant qu’elle était enceinte. Il était si gentil avec les enfants.

 

*    *    *

 

— Zorro ? Tu es certain que tu veux t’habiller en Zorro ? fit Grégoire. Ce n’est pas très original.

— Je ne veux pas être original.

« Surtout pas », pensa Maxime. Ne pas se faire remarquer, se fondre dans la masse, éviter d’attirer les regards de Benoit, Mathieu, Jocelyn ou Betty. Il était idiot de s’inquiéter autant puisqu’il serait déguisé, mais il ne pouvait s’empêcher de croire que le quatuor devinerait qu’il se cachait sous le masque du justicier et se moquerait de lui. Il avait eu droit à leurs ricanements le lundi et le jeudi alors qu’il attendait l’autobus. Il avait fait mine de les ignorer, et il avait été soulagé de constater que Pascal ne montait pas dans le véhicule, qu’il ne s’installerait pas à côté de lui. Il lui faisait pitié, mais il ne voulait pas subir les moqueries des élèves de tout le secondaire. Car tout le monde, vraiment tout le monde riait de Pascal. On faisait des plaisanteries sur son goût pour la magie : « Eh ! Crapaud ! Es-tu capable de te faire disparaître ? On est prêts à payer pour ton numéro ! » ou « Pascal, es-tu capable de lire l’avenir dans ta boule de cristal ? Sais-tu ce qui t’attend à la sortie des cours ? » Max et Julien avaient affirmé que Benoit envoyait des messages de menaces par courrier électronique.

— C’est lâche, n’avait pu s’empêcher de dire Maxime.

— Il a juste à les jeter, avait rétorqué Julien. Il est chanceux d’avoir Internet chez lui. J’espère que mon père se décidera pour Noël. Il n’est pas pressé parce qu’il a déjà un super-système au bureau. Moi, j’aimerais ça qu’on s’équipe à la maison. Il paraît que c’est plus important de payer les cours de patin artistique de ma sœur. Pascal est chanceux d’être enfant unique.

— J’aimerais mieux avoir un frère. Une chance que j’ai Grégoire.

— Grégoire ? Celui qui est venu te chercher l’autre jour ? C’est ton cousin ?

Maxime avait acquiescé et Julien lui avait avoué qu’il l’enviait d’avoir un cousin aussi vieux.

— Zorro ? s’écria Grégoire. Tu n’aimerais pas mieux un costume de Superman ?

— Zorro, c’est bien. Tout en noir. Comme toi, tu portes souvent du noir.

Grégoire sourit ; il n’avait rien en commun avec le justicier masqué, mais que Maxime ait envie de se vêtir de noir pour lui ressembler le touchait.

— Un costume de Zorro est mieux qu’un drap de fantôme, c’est sûr. Êtes-vous plusieurs à sonner aux portes ensemble ?

— Les gars du hockey.

— Et ton ami Pascal ?

Maxime haussa les épaules ; il n’avait pas beaucoup parlé avec lui, les derniers jours. Il savait seulement qu’il se déguiserait en Merlin l’Enchanteur. Il se sentait un peu coupable d’avoir refusé de célébrer l’Halloween avec lui, mais il aurait davantage de plaisir avec Max et Clément.

— Biscuit veut me photographier avec mes amis, confia Maxime à Grégoire. J’aimerais mieux qu’elle oublie cette idée, mais c’est elle qui paie mon costume… Je vais faire rire de moi. Je ne suis pas un bébé. On dirait qu’elle a oublié que je me gardais tout seul à six ans.

— C’est à cause de sa job, elle devient paranoïaque. Bon, j’espère qu’ils ont des costumes de Zorro, parce que ce n’est pas Biscuit qui t’en coudra un. Elle n’est même pas capable de faire un bord de pantalon.

Une heure plus tard, Maxime était de retour chez lui et essayait sa cape devant le grand miroir de l’entrée. Il avait vraiment fière allure ; il la montrerait à son père le lendemain de l’Halloween. Il avait l’impression d’être plus grand, plus fort. Si seulement il pouvait porter ce costume tous les jours. Si tous les élèves étaient déguisés, plus personne ne serait rejeté, car on ne saurait pas de qui on se moquerait. Pascal n’aurait qu’à s’habiller en pirate au lieu de revêtir la tunique de Merlin, trop excentrique, et personne ne rirait de lui.

Irait-il tout seul de porte en porte ?

Il ne pourrait jamais imposer Pascal à Max et à Julien. Il n’essaierait même pas.

 

*    *    *

 

Les lumières de Lévis bordaient le fleuve d’une ligne argentée, aussi délicate qu’un travail d’orfèvre, et Maud Graham se surprit à rêver qu’Alain lui offrirait peut-être un bijou pour Noël. Elle le porterait contre sa peau, sous ses pulls, et le toucherait parfois dans la journée en pensant à son amour, en se persuadant de sa réalité. Le grincement d’une des lunettes d’approche de la terrasse Dufferin lui fit tourner la tête ; il y avait encore des touristes en cette fin d’octobre. Tentaient-ils de distinguer l’île d’Orléans à la tombée du jour ? Le Saint-Laurent épousait la nuit de plus en plus tôt, masse bleutée, mouvante et émouvante, différente à chaque promenade et générant pourtant la même sérénité chez la détective qui venait arpenter le sol de bois chaque fois qu’une enquête lui échappait.

Pourquoi avait-on tué Mario Breton ? La veille, il n’y avait qu’un entrefilet dans Le Soleil. Mario Breton était mort depuis trop longtemps, d’autres nouvelles avaient relégué son fantôme au dossier trop mince des enquêteurs. Comme il n’avait pas de famille, personne n’avait réclamé son corps, personne n’exigeait de connaître la vérité, ne souhaitait la punition du coupable. Maud Graham regarda la statue de Champlain au bout de la terrasse, guettant l’arrivée de Grégoire. Elle avait hâte de le serrer contre elle, hâte d’avoir envie de l’embrasser sur les deux joues et de s’empêcher de céder à ce désir, hâte de revoir ses iris trop clairs. Deux mois et trois jours au restaurant. Il avait tenu tout ce temps. Persévérerait-il ?

Elle sentit une main sur son épaule. Il était là, avec son demi-sourire, portant le foulard qu’elle lui avait offert le Noël précédent. Elle se souvenait qu’elle avait palpé des dizaines d’écharpes chez Simons avant de choisir la rouge et noir.

— Alors, en panne d’inspiration ? Est-ce qu’un dry martini te ferait du bien ?

— Si je pouvais m’y noyer, ce serait parfait. Aujourd’hui, j’envie les fous qui croient qu’un dieu communique avec eux à l’aide d’objets. J’aimerais qu’on me désigne la Vérité et que je n’aie plus de questions à me poser.

— Non, non, tu voudrais savoir qui a décidé que c’est la Vérité vraie… Tu ne te contentes jamais de ce qu’on te dit.

Elle faillit étreindre Grégoire, hésita et referma le col de son Kanuk, sourit quand le jeune homme glissa son bras sous le sien, l’entraînant vers le bar du château Frontenac. Tiens, on avait changé les tapis. Ceux de l’hiver étaient plus sombres, plus riches, plus royaux que ceux de la saison chaude.

Grégoire se dirigea vers la droite, fit le tour du bar avant de désigner un fauteuil à son amie.

— Je vais boire un bloody mary. Il paraît que la reine d’Écosse a passé dix-huit ans en prison avant de se faire décapiter.

— Qui t’a raconté ça ?

— Pierre-Yves. Il sait tout en cuisine, tout sur les cocktails, tout sur la pâtisserie, tout sur les fruits de mer. Il peut te parler des petits poissons des chenaux comme du fugu.

— Le fugu ?

Graham était si contente de montrer son ignorance à Grégoire, de lui permettre de l’instruire. Il expliqua d’une voix assurée que les Japonais payaient des fortunes pour déguster ce dangereux poisson.

— Dangereux ?

— Il y a une toxine mortelle dans ce poisson. Si le cuisinier enlève mal la vésicule qui la contient, le client meurt en quelques minutes. C’est con, tu ne trouves pas, comme trip ?

Graham fronça les sourcils, mais se dit très vite que Grégoire avait raison : déguster du fugu n’était pas une expérience gastronomique, la chair du poisson fût-elle succulente. Non, on ne jouissait pas d’avoir mangé une merveille, mais d’avoir échappé à la mort. Une version de la roulette russe…

— Tu prouves aux autres convives que tu n’es pas peureux, continuait Grégoire, que tu as du contrôle sur tes nerfs, que tu es un tough. Je déteste ça, les gens qui veulent toujours prouver qu’ils sont les plus forts.

— Tu aimes beaucoup Pierre-Yves, fit Graham en pigeant une amande dans le mélange de noix salées qu’un serveur avait déposé sur leur table.

— Oui. Il est correct. J’imagine que tu pensais que je me transformerais en travailleur de rue quand j’arrêterais de vendre mon cul ? Il y en a beaucoup qui font ça. C’est une idée. Mais je suis content que Pierre-Yves ait réussi à persuader Daniel de faire une exception pour moi. Tu sais qu’on n’engage pas des gars qui n’ont pas d’expérience dans un restaurant aussi haut de gamme que le Laurie. Il a fallu que Pierre-Yves soit convaincant…

— Tu es doué en cuisine, Grégoire. Tu as travaillé tout l’été au resto de Pierre-Yves. Et moi, je profite de tes talents depuis longtemps. C’est comme l’oreille musicale, on l’a ou on ne l’a pas. J’ai beau suivre une recette à la lettre, ça ne donne jamais les résultats que j’espère, alors que toi, tu ouvres le frigo, tu prends deux ou trois trucs et tu nous concoctes un festin.

— Mon père était bon en cuisine.

Graham fixa Grégoire qui soutint son regard ; il hésitait à solliciter sa mémoire, à la réveiller, trop d’images pourraient se coller, s’agglutiner à un souvenir de crêpes farcies au jambon et aux asperges. Oui, jusqu’aux asperges en conserve qui étaient bonnes quand son père les préparait. Grégoire n’en avait jamais mangé après son départ.

— Ton gars de Cap-Rouge, il ressemble peut-être à mon père. Avec une autre vie avant d’aboutir à Québec, une famille dont il se crissait tellement qu’il a changé de nom pour être certain qu’ils ne le retrouvent jamais.

— Ton père a changé de nom ?

— Pas sûr. C’est du trouble. C’était moins compliqué de laisser le gros Bob s’installer à sa place. On n’a jamais eu de nouvelles de lui. Il a disparu, hop, terminé, on n’en parle plus.

— Ton père est vivant quelque part. Moi, mon type a l’air d’un spectre. Son logement ressemble à une chambre d’hôtel, totalement impersonnel.

— Justement. Si sa maison a un look d’hôtel, c’est qu’il apprécie ce genre d’anonymat. Il doit s’être beaucoup promené avant d’arriver à Québec.

— Une sorte de voyageur de commerce ?

— Pourquoi pas ?

Maud Graham ferma les yeux en buvant la première gorgée de son dry martini. L’arôme du genièvre lui faisait pressentir l’hiver, long, sombre et sec malgré le fleuve si près. Un homme mobile ? Oui… Mario Breton ne travaillait à Québec que depuis deux ans. Son chef de service avait dit qu’il était employé auparavant dans une entreprise de transport de Montréal. On avait enquêté sur ce commerce sans trouver quoi que ce soit de suspect. Est-ce que Breton avait profité de l’entreprise pour faire entrer et sortir des objets ou des substances illégales ? À l’insu de son employeur ? S’était-il installé à Québec pour fuir les ennuis ? Bruno Desrosiers avait souvent déménagé, d’après Maxime. Maxime, le justicier masqué.

— Maxime veut changer le monde…

— Le monde ? Non, on te laisse faire toute seule. Mais il aimerait mieux que…

— Que quoi ? Dis-moi ce qui le tracasse. Il jure que tout va bien, mais il s’exprime de moins en moins. Et par monosyllabes.

— Les ados parlent tous comme ça. Je ne disais pas un mot quand j’avais douze ans.

— Je te trouve sentencieux. Qu’est-ce qui tracasse Maxime ?

— Il ne veut pas que tu le prennes en photo avec ses amis. C’est trop bébé.

Graham eut un petit hoquet de surprise : c’était donc ça ? Elle dissimula sa vexation, puis elle s’avisa que Grégoire avait répondu trop vite à sa question, comme s’il s’y était préparé. Que lui cachait-il ?

— Je ne le photographierai pas. Mais es-tu certain qu’il a des amis ? Qu’il ne prétend pas en avoir pour me rassurer ? Qu’il ne fête pas l’Halloween tout seul parce qu’il habite dans un nouveau quartier et que je ne lui ai pas proposé de retourner dans Saint-Roch pour rejoindre ses anciens amis ce soir-là ?

Grégoire soupira. Elle devait arrêter de s’en faire. Maxime n’était pas comme Pascal.

— Pascal ? Son copain ?

— Ce n’est pas vraiment son chum. Il a pitié de lui. C’est un reject. Personne ne veut se tenir avec lui.

— Je pensais qu’ils s’entendaient bien. Qu’ils se comprenaient parce qu’ils avaient tous les deux des pères absents…

— Tu joues à la psy ?

Maud Graham eut un mouvement d’impatience.

— Je fais ce que je peux, marmonna-t-elle.

Grégoire cogna son verre contre le sien, affirma que Maxime était heureux chez elle. Il lui révélerait plus tard les brimades dont Maxime avait été victime. Si ça se reproduisait. Il n’accepterait pas que Maxime endure ce qu’il avait vécu. Comme cette époque était lointaine et floue ; une fuite constante entre l’école et la maison, l’oncle Bob la nuit et les frères Lussier le jour. Mais il se souvenait parfaitement de l’heure à laquelle il s’était révolté. Seize heures quinze, juste après les cours. Sur le trajet de retour. Il avait songé qu’il mourrait si les Lussier l’attaquaient de nouveau, qu’il n’avait plus rien à perdre et il s’était jeté sur eux quand ils s’étaient approchés de lui. Il avait mordu Pierre au bras, avait perçu le goût salé et ferreux du sang. Puis il avait frappé Jacques à la tête tandis que son frère lui criait d’arrêter, d’arrêter, d’arrêter…

Le soir même, il faisait ses bagages et quittait sa mère et son amant abuseur.

Grégoire se tourna vers la fenêtre ; il devinait le mouvement du fleuve plus bas, lourd et lent, opaque. Combien de fois avait-il failli sauter du haut du traversier pour s’anéantir dans la nuit marine ? La colère seule l’avait gardé vivant.

Puis Biscuit, plus tard.

Maxime avait de la chance de l’avoir rencontrée tôt. Il tapota la soucoupe vide, la souleva pour faire signe au serveur qu’il désirait d’autres noix.

— Non, je vais encore vider la coupelle s’il en rapporte, fit Graham. J’aime trop ça.

— On n’aime jamais trop, crois-moi sur parole.